Cet éditorial à été composé au printemps 2007 par Pascale Cornut St-Pierre, alors directrice d’Ithaque, à l’occasion du changement de nom de la revue. Nous en conservons et en présentons le contenu original, pour que reste en mémoire l’histoire d’Ithaque, ainsi que l’esprit qui a motivé sa fondation.
Ce que j’aime du voyage, c’est l’étonnement du retour.
Stendhal, Mémoires d’un touriste.
Le désir de rentrer chez soi comme impulsion philosophique : voilà un motif, d’abord tracé par les Anciens, dont on ne manquerait pas de trouver maintes illustrations dans la pensée contemporaine. Que ce soit par la nostalgie d’une quiétude originelle ou d’une immédiateté perdue, par une volonté de mémoire et de filiation, ou simplement par le sentiment d’un détour obligé par l’écriture, la souffrance, la tradition ou la reconnaissance avant de se rendre accessible à soi-même, dans tous les cas, le regard jeté en direction du progrès tend aussi à lorgner vers l’arrière. L’humaine condition, semble-t-il, aime à être dépeinte sous les traits d’Ulysse : voyageur errant, qui rentrera chez lui grandi par ses longs périples. Au-delà de ses sonorités antiquisantes, le nom d’Ithaque n’a donc en rien perdu de son actualité.
Notre revue, que l’on appelait Arguments depuis sa fondation à l’hiver 2006, fait ainsi retour à Ithaque. La nécessité d’un changement de nom était devenue évidente : les confusions avec l’autre Argument – l’Argument sans s, revue québécoise plus ancienne et plus connue que la nôtre – s’annonçaient récurrentes et embarrassantes. Le choix d’Ithaque fait ensuite écho au désir exprimé par M. Georges Hélal de nous voir témoigner de davantage de mémoire institutionnelle. Les revues, journaux et autres opuscules à avoir vu le jour dans notre département de philosophie sont légion ; des vestiges de certaines de ces parutions reposent dans la bibliothèque de l’association étudiante, tandis que d’autres se sont éteintes sans laisser de traces. L’histoire de l’édition étudiante semble n’être faite chez nous que de ruptures. Nous aimerions y jeter les bases d’une continuité, et la reprise du nom d’Ithaque se veut un premier geste en ce sens. Ithaque était la plus récente des revues étudiantes au département de philosophie de l’Université de Montréal : fondée en 2001, elle avait fait paraître quatre numéros avant de disparaître, en 2003, faute de participation – destin typique, faut-il le souligner, de ce genre d’ouvrage. Sauver Ithaque de l’oubli laisse évidemment voir notre désir de ne pas y sombrer à notre tour.
Arguments fut une belle aventure, qui fut menée à bon port par une équipe, remarquablement stable, que je tiens à remercier ici. Le voyage se poursuit maintenant avec Ithaque. Sauf un changement de couverture, on n’y trouvera aucune modification d’importance. Nous concrétisons pour la première fois dans ce numéro une idée que nous portions depuis la création d’Arguments, soit la présentation d’un dossier thématique. J’en profite pour remercier M. Christian Nadeau, qui a accepté de collaborer à la réalisation de ce dossier portant sur les théories de la guerre juste. Nous espérons produire d’autres dossiers thématiques lors de nos prochaines parutions, ainsi que développer plus sérieusement une section « comptes-rendus ») – section qui existe virtuellement depuis nos débuts, mais qui fut jusqu’à maintenant peu mise à profit. Toute personne désireuse de prendre la direction de l’un de ces projets est bien sûr cordialement invitée à se joindre à Ithaque.
Pascale Cornut St-Pierre
Co-directrice, Ithaque (2006-2008)